Précédemment chargé de mission sport et porte-parole du WWF France, Mael Besson a également travaillé au ministère des Sports pour la mission Sport et développement durable, où il a piloté la création de la Charte des 15 engagements éco-responsables. La pratique quotidienne du sport, les grands événements sportifs, le modèle économique du sport sont autant d'actions à repenser au regard des enjeux climatiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés.
Quels sont les principaux enjeux et risques liés au changement climatique pour le sport ?
Les conséquences du changement climatique sur le sport sont en effet multiples. L'augmentation des températures et des canicules qui impactent la pratique sportive, la gestion de plus de 40 000 terrains en herbe ou 60 000 salles de sport, l'élévation du niveau de la mer qui nécessitera la relocalisation de ¼ des clubs de voile dans un scénario de réchauffement climatique de +4°, la diminution du niveau d'enneigement, l'augmentation du nombre de phénomènes météorologiques extrêmes, l'amplification des pics de pollution, etc. Plus il fait chaud, moins on peut faire de sport. Lorsque j'étais au WWF France, nous avons réalisé une étude sur l'impact du changement climatique sur le sport pour sensibiliser les décideurs. Supposons que la température moyenne en France augmente de deux degrés. Dans ce cas, nous risquons d'avoir jusqu'à 24 jours supplémentaires par an où la température dépassera les 32 degrés et où la pratique du sport sera découragée pour le grand public. Si nous atteignons une augmentation de température de quatre degrés, nous aurons deux mois de moins de pratique sportive par an. Le choix de la référence de 32 degrés est une recommandation qui émane du département de la santé du ministère des sports car nous savons qu'au-delà, il peut y avoir des risques pour la santé, surtout pour les pratiquants amateurs.
Quel est l'état de la prise de conscience des enjeux climatiques et environnementaux dans le sport français ?
La prise de conscience est présente. De plus en plus de sportifs sont sensibles, voire préoccupés par les questions environnementales et climatiques : ils souhaitent réduire leur impact et donner du sens à leurs actions, notamment en contribuant à la transition écologique. Cette prise de conscience est essentielle. La question des enjeux environnementaux et climatiques n'est pas idéologique mais cartésienne. Nous avons des limites planétaires : que faire pour ne pas les dépasser ? Isabelle Autissier fait souvent le parallèle avec les traversées en voilier. Lorsque nos réserves de nourriture sont épuisées, le voyage s'arrête. Il en va de même pour la planète. Elle peut se régénérer, mais si nous consommons trop, nous risquons d'avoir du mal à terminer le voyage. Il en sera de même pour la pratique sportive. Il est dans l'intérêt du sport de devenir un défenseur du climat.
"Il est dans l'intérêt du sport de devenir un défenseur du climat.
Maël Besson, expert en sport et développement durable Tweet
La mobilisation des acteurs du sport est-elle à la hauteur de l'enjeu ?
Le sport, et plus particulièrement le spectacle sportif, façonne nos pratiques, nos comportements et, plus généralement, nos modes de vie. La mobilisation du sport est essentielle pour s'engager dans la transition écologique. Les comportements éco-responsables (ou non) dans les spectacles sportifs et la publicité sont reproduits par imitation. Et plus ces comportements sont reproduits, plus ils deviennent la norme. Un exemple positif est le veggie burger de Paris 2024. Face à la nécessité de manger moins de viande et de meilleure qualité, et prôné par un événement fédérateur comme les Jeux, il participe à la normalisation du régime alimentaire flexitarien, dont il faut respecter les limites planétaires.
Sur d'autres sujets, nous avons encore besoin de toutes les solutions techniques, et une grande partie de la transformation culturelle est également nécessaire : moins de déplacements, revoir nos idéaux de réussite sociale qui sont aujourd'hui d'aller s'exercer à l'autre bout du monde dans des sites magnifiques... Nous devons revoir notre pratique du sport pour qu'elle devienne locale et saisonnière.
Par où commencer si un organisateur d'événements souhaite s'engager dans des pratiques plus responsables ?
Elle doit commencer par comprendre son impact le plus important et les leviers qu'elle peut utiliser pour le réduire, la première question centrale étant : en avons-nous besoin ? Par ailleurs, il est essentiel de considérer les différents types d'impacts. L'empreinte carbone, bien sûr, mais aussi la pollution des sols, l'impact sur la biodiversité ou la déforestation, l'impact sur les sites naturels (perturbations, aménagements), etc. Pour donner un chiffre sur l'empreinte carbone des événements sportifs : entre 70 et 90% des émissions de gaz à effet de serre sont dues aux transports. La première action doit donc naturellement porter sur ce poste.
L'organisation de grands événements sportifs est-elle compatible avec les enjeux climatiques et environnementaux ?
Ce qui est certain, c'est que nous devons tous réduire nos émissions de gaz à effet de serre, y compris les grands événements sportifs. Cependant, il n'est pas question d'annuler ces événements qui sont indispensables au niveau sociétal. Aucune civilisation au monde n'a besoin de grands rassemblements, ils permettent une communion des peuples. Mais ces événements doivent se dérouler dans les limites de la planète. La question n'est pas de savoir s'il ne faut pas organiser de grands événements sportifs. Mais comment faire pour que les grands événements sportifs se déroulent dans les limites de la planète ?
Les transports, en particulier les voyages en avion et l'alimentation, sont des sources majeures d'émissions de gaz à effet de serre. Paris 2024 place la barre très haut avec sa Vision for Sustainable Games Catering basée sur une offre de restauration à faible émission de carbone. Enfin, la construction d'infrastructures émet également beaucoup de gaz à effet de serre, principalement à cause du béton. En réduisant au maximum les nouvelles constructions, Paris 2024 limite son impact par rapport à d'autres Jeux, comme ceux de Londres, qui avaient beaucoup construit.
À quoi pourraient ressembler les grands événements sportifs en 2050 ?
Des événements authentiques, conformes à toutes les questions sociales et environnementales. Des événements qui peuvent être appréciés et consommés localement et en saison. Nous devons être plus harmonieux et cohérents avec le rythme de la nature et son tissu de saisons, sa capacité de régénération et de résilience. Cela signifie qu'il faut accepter de ne voir le ski qu'en hiver et en montagne, reconnaître que certaines régions ont des sports spécifiques et que tout le monde a accès aux sports, mais pas nécessairement au même sport.
Paris 2024 est aligné sur les accords de Paris et emprunte la bonne voie pour y parvenir, mais nous savons qu'après 2024, quatre ans, huit ans plus tard, la trajectoire de réduction devra se poursuivre !
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